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GATROUN (3) 1950
par Jean Soupene
Arrivée d'une caravane toubou, Les Toubous ou Teda vivent dans l'immense
massif volcanique du Tibesti situé au nord-ouest du Tchad et qui a son
point culminant à 3350 mètres ( Emi Koussi) et une altitude moyenne comprise
entre 1000 et 1800 mètres. Les toubous forment ethniquement et
linguistiquement un groupe distinct apparenté aux populations noires du
Soudan.
La survie des Toubous a été possible grâce à un système socio-économique
fondé sur le semi-nomadisme. Une partie de la population s'occupe de la
culture des jardins et de l'entretien des palmeraies, tandis que l'autre
partie parcourt les pâturages pour les chèvres, moutons, ânes et chameaux
et se livre au petit commerce caravanier; c'est à cette partie que nous
avons affaire ils amènent leur bétail et au retour ils emportent des dattes.
Les dattes sont très importantes pour les Toubous, car avec quelques
céréales cultivées ou sauvages elles constituent la base de leur nourriture.
En 1950 les toubous sont encore très attachés à leur mode de vie et à
leurs particularismes, l'occupation du Tibesti n'ayant été effective
qu'à partir de 1930 seulement, l'influence française est très faible.
Quelques bandes de hors la loi sillonnent encore les "enneris"
(gorges profondes dont les dédales ne sont connus que par les Toubous seuls).
Nous recevons souvent des messages nous avertissant que les Agikalli ou
les Moussaï ben Kolo se dirigent vers Gatroun, leurs méfaits accomplis.
Nous savons qu'ils sont très dangereux, nous connaissons leurs signalements;
(Moussaï ben Kollo est boiteux et porte un burnous rouge). Mais, nous ne
verrons jamais personne car nous ne sommes que deux gamins de vingt ans
et cinq supplétifs pour surveiller un territoire immense, de plus,
nous manquons ridiculement de moyens, nous n'avons pas de voiture, le
ravitaillement ne nous parvient que tous les trois mois, nous ne parvenons
pas à établir les communications radio avec les postes voisins du Niger
(Madama) et du Tchad (Zouar) qui sont tenus par la coloniale, il faudrait
que nous nous y rendions pour nous régler, mais nous n'avons pas de poste
radio portable que nous pourrions transporter sur un chameau, un SCR 284
ferait notre bonheur; en France, en AFN, en Allemagne les appelés s'entraînent
avec, mais nous, qui sommes opérationnels nous n'en avons pas! nous avons
demandé un fusil-mitrailleur, nous ne l'obtiendrons jamais!
Nous nous promenons dans la nature et nous n'avons pas de carte!
Mais nous faisons notre travail tout de même et nous le faisons bien.
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Pierre Brun dans un exercice à la barre fixe -
Brun, dit "Bob ", était un type formidable il bricola beaucoup à Gatroun
améliorant ainsi nos conditions de vie et de travail. Il était originaire
de la région de Poitiers. Nous ne sommes pas encore parvenus à retrouver
sa trace.
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Bob et Trafic surveillent la consolidation de la piste avec des feuilles
de palmier. En plus de la radio, de la météo, de la poste, de la douane,
de la police, des affaires indigènes, du jardinage nous nous occupons
également des travaux publics! |
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Jean Chambret, mon vieux compagnon qui me supporta pendant des mois.
Garce à son caractère toujours égal la cohabitation fut exemplaire.
Vivre en poste à deux au Sahara n'était pas chose aisée, souvent la
mésentente survenait rapidement et il y eut des cas ou elle devint
dramatique comme à Amguid ou a Fort Lallemand. Jean Chambret, originaire
de Niort, partage son temps entre son Poitou natal et son domicile de la
région parisienne. Gatroun est le principal sujet de nos longues
conversations au téléphone.
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Saïda, notre intégration se fit très facilement nous partageâmes rapidement
la vie de la population et nos compagnes nous facilitèrent bien des choses.
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Le 16 novembre 1951 je quitte Gatroun avec beaucoup de regrets, je dis donc
adieu à tous mes amis. Je rejoins Sebha pour remplacer mon collègue,
dépanneur radio, qui a terminé son séjour. Ce sera encore de longs mois
d'une vie triste et monotone, émaillée, par quelques petites sorties pour
des dépannages divers. Et puis le 22 mai 1952, je dirais un adieu définitif
au Fezzan et retrouverais Tunis. A l'exception d'une légère appréhension
pour traverser les rues et des souliers qui feront un peu mal tout ira bien,
je m'habituerais même très vite à dormir à nouveau dans un vrai lit.
Trois jours plus tard et après deux ans et demi d'absence, je retrouverais
la France, mon petit village des Pyrénées et ma famille, mon père est
décédé entre-temps, mon frère s'est marié et la famille s'est agrandie
d'une petite fille. Quelques mois plus tard je serais libéré de mes
obligations militaires, mais, très vite la nostalgie des grands espaces
deviendra de plus en plus vive, je retrouverais le Sahara, l'Afrique et
bien d'autres pays pour de longues années. Aujourd'hui je suis un vieil
homme, mais tout comme mes amis, je n'ai pas oublié le Fezzan.
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Dernière mise à jour le 14/05/2001 à 14:52
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